Un voyage dans l’architecture de Kashef Chowdhury / URBANA, Bangladesh, du 28 juin au 11 octobre 2022 au Luxembourg Center for Architecture (LUCA)
(English version below)
Friendship Luxembourg & LUCA – Communiqué de presse / Press release
June 20, 2022
Le LUCA – Luxembourg Center for Architecture présente le travail de l’architecte bangladais Kashef Chowdhury / URBANA dont le « Friendship Hospital Shyamnagar » réalisé dans le Golfe du Bengale vient d’être récompensé par le prestigieux prix international RIBA 2021 du meilleur nouveau bâtiment du monde. Avec d’autres projets tels qu’un centre de formation érigé en région rurale dans le nord du Bangladesh, lauréat du Prix Aga Khan d’Architecture en 2016, un abri anti-cyclone construit en région côtière ou encore des bâtiments scolaires réalisés dans un camp de réfugiés Rohingya à la frontière du Myanmar, Kashef Chowdhury a obtenu une large reconnaissance internationale. Associant des structures articulées avec soin dans des zones marquées par des conditions climatiques extrêmes, à des techniques de construction et des matériaux locaux, les bâtiments de Kashef Chowdhury sont exemplaires d’une architecture au service de la société avec une simplicité et une poésie radicales. La scénographie atmosphérique de l’exposition, conçue par Niklaus Graber et Andreas Ruby, invite les visiteurs à un voyage au Bangladesh et dans les univers architecturaux d’URBANA. L’exposition est organisée en collaboration avec l’ONG Friendship, maître d’ouvrage, avec l’appui de la Coopération luxembourgeoise, de plusieurs des réalisations exposées.
Le Bangladesh, qui a été stigmatisé à bien des égards comme une région périphérique, n’a guère été présent sur la carte architecturale mondiale. Toutefois, cela pourrait bien changer dans un avenir proche et l’une des raisons en est l’architecture de Kashef Chowdhury / URBANA.
Au premier coup d’œil, les réalisations de Kashef Chowdhury – comme son abri anticyclonique accueillant une école et un poste de santé, ou ses villages surélevés en forme ovale réalisés sur des îles du fleuve Brahmapoutre – semblent émerger directement du contexte local du Bangladesh, qui est l’une des régions les plus densément peuplées de la planète, dominée par des conditions climatiques tropicales extrêmes. Avec le recul, son architecture traverse l’espace et le temps d’est en ouest, du passé au présent, et possède un attrait universel grâce à son traitement magistral de la lumière, de l’espace et de la matérialité. Les œuvres d’URBANA ne sont pas seulement spatialement et architecturalement extraordinaires au premier coup d’œil, elles témoignent au-delà de la haute valeur sociale d’une architecture qui aborde de manière réfléchie et inventive des questions brulantes telles que la densité de la population, le changement climatique, la migration et la réactivation du potentiel rural. Grâce à l’action locale, soigneusement élaborée à partir de l’histoire de la région abritant le plus grand delta du monde, le travail d’URBANA acquiert une signification globale qui nous rapproche de nombreux thèmes autrefois considérés comme lointains.
Stratégies pour le Bangladesh : action locale, pertinence globale
C’est précisément parce que les centres urbains du Bangladesh, tels que Dhaka ou Chittagong, se développent rapidement sous la pression de l’exode rural, que les œuvres de Kashef Chowdhury ne sont pas uniquement destinées aux classes moyennes ou supérieures urbaines en pleine expansion. L’une des principales préoccupations de l’architecte est de trouver de nouvelles stratégies qui offrent à la population rurale, qui représente encore 75 % des 165 millions d’habitants du Bangladesh, un sentiment de sécurité et de liberté au sein de leur habitat traditionnel. L’architecte, qui a conçu des centres de formation, des hôpitaux et des ensembles d’habitation dans des régions rurales reculées, est parfaitement conscient que seule une amélioration sérieuse des conditions de vie en milieu rural peut mettre un terme au flux apparemment inexorable de l’exode rural et, avec lui, l’étouffement des centres urbaines.
Le paysage du delta du Bangladesh est une zone sujette aux inondations, aux cyclones et à la montée du niveau de la mer, où tout semble être en mouvement permanent, et pas seulement sur le plan hydrologique. Dans ce contexte, les bâtiments d’URBANA révèlent une présence inattendue et sans compromis, basée sur des géométries claires, des matériaux locaux et des méthodes de construction vernaculaires. Il s’agit souvent de variations de la typologie du bungalow, une forme qui a fait ses preuves dans les climats tropicaux, réalisée avec des briques produites localement à partir du sol argileux et qui servent de modules de base à une architecture essentiellement artisanale. Les pièces, soigneusement proportionnées, parviennent à équilibrer de façon remarquable fonctionnalité et robustesse maximales d’une part, grâce et sensibilité d’autre part. L’architecture devient ainsi une base importante pour offrir des espaces de vie contemporains et dignes à un segment de la population vivant par ailleurs en marge de la société.
Le travail de Kashef Chowdhury avec la terre comme matériau implique toujours aussi un dialogue avec le paysage, ainsi qu’avec l’élément omniprésent qu’est l’eau du delta, à la fois bénédiction et malédiction. Ainsi, pour le Friendship Centre de Gaibandha, l’hôpital de Shyamnagar tout récemment primé par le RIBA, ou encore des villages surélevés dans les zones sujettes aux inondations et à l’érosion du fleuve Brahmapoutre, tantôt une digue, tantôt un canal tantôt enfin un soubassement permettent non seulement aux bâtiments de se démarquer dans leur environnement, mais aussi de les protéger contre les risques d’inondation. De plus, l’eau de pluie de la mousson est recueillie dans de grands bassins et utilisée tantôt pour le refroidissement naturel tantôt pour l’agriculture ou la pisciculture.
Au service de la société : une poésie pragmatique
Une autre réalisation récente qui documente l’habileté de Kashef Chowdhury à exploiter le potentiel d’une architecture pertinente, est son école 100% bambou et cordes dans le camp de réfugiés Rohingya d’Ukhia, à la frontière du Myanmar. Ici aussi, malgré un budget minimal et des circonstances des plus précaires, l’architecture fait ressortir la richesse sensorielle de l’espace, donnant au petit bâtiment scolaire une identité unique au milieu d’abris d’urgence et de désolation.
Un autre projet – au demeurant financé en majeure partie par des professionnels de la construction du Luxembourg – montre à quel point pragmatisme et poésie peuvent aller de pair, et la forte symbolique qu’ils peuvent engendrer. Situé sur la côte sud du Bangladesh, région régulièrement frappée par des cyclones, un abri anticyclonique servant comme tel pendant la saison des tempêtes tropicales, fait par ailleurs fonction de bâtiment scolaire et de dispensaire. Comme si l’architecte voulait battre la tempête avec ses propres armes, les salles multifonctionnelles sont entourées d’une rampe d’accès en forme de spirale. Sa forme polygonale réduit l’impact des vents violents tout en protégeant les espaces intérieurs des débris tourbillonnants. Dans les conditions météorologiques normales du Bangladesh, elle donne de l’ombre, protégeant ainsi les salles de classe et de soins, ventilées naturellement, de l’excès de chaleur.
L’exposition : un Cabinet de curiosités tropical
L’exposition complète sur le travail d’URBANA documente plus d’une douzaine de bâtiments et de projets au moyen de maquettes, de photographies, de séquences filmées et de plans, et offre une vue kaléidoscopique des processus de conception et de construction du studio. Les projets présentés comprennent notamment le Friendship Hospital Shyamnagar, le Friendship Centre de Gaibandha, des villages surélevés dans la zone d’érosion de la rivière Brahmapoutre, la mosquée Gulshan de sept étages, le Cyclone Shelter de Kuakata dans le Golfe du Bengale et l’école du camp de réfugiés Rohingya. En outre, l’équipe d’URBANA ouvrira son studio au public, offrant ainsi l’occasion d’explorer un «cabinet de curiosités» dans une situation contemplative à l’échelle 1:1. Les visiteurs sont invités à s’immerger dans un voyage sensuellement chorégraphié à travers la riche région culturelle et la vaste étendue du delta du Gange, sous une lumière tropicale.
A l’occasion de cette exposition, une série de photos réalisées par la photographe d’architecture mondialement reconnue Hélène Binet du Friendship Centre de Gaibandha dans le cadre de la réalisation d’une monographie autour de ce projet (Park Books 2016 – ISBN 978-3-03860-021-3) et gracieusement mises à disposition par Hélène Binet à l’occasion de précédentes expositions au luca et à la Galerie Clairefontaine en 2014, sont mises en vente au bénéfice conjoint du luca et de Friendship Luxembourg asbl.
Informations pratiques
28-06-2022, 18h30 — Vernissage de l’exposition en présence de Runa Khan, de Niklaus Graber (curateur) et de l’équipe du LUCA
08-09-2022, 19h00 — Conférence par Alia Bengana
04-10-2022, 19h00 — Discussion : Matériaux pour une meilleure architecture
11-10-2022, 19h00 — Clôture de l’exposition et conférence de Kashef Chowdhury
More information: www.luca.lu
A journey to the architecture of Kashef Chowdhury / URBANA, Bangladesh, from 28 June to 11 October at the Luxembourg Center for Architecture (LUCA)
The luca – Luxembourg Center for Architecture presents the work of Kashef Chowdhury / URBANA from Bangladesh, whose design for “Friendship Hospital Shyamnagar” on the Bay of Bengal has just been awarded the prestigious RIBA International Prize 2021 for the world’s best new building. With further projects such as a Training Center in a rural area of northern Bangladesh which was awarded the Aga Khan Award for Architecture in 2016, a Cyclone Shelter or School buildings in a Rohingya refugee camp near the Myanmar border, he gained widespread international acclaim. Careful arrangement of structures in areas marked by extreme climatic conditions, combined with local building techniques and materials, Kashef Chowdhury’s buildings are exemplary of an architecture that serves society with radical simplicity and poetry. With an atmospheric installation, the exhibition curated by Niklaus Graber and Andreas Ruby invites visitors on a journey to Bangladesh and the architectural worlds of URBANA. The exhibition is organized in cooperation with the NGO Friendship, who commissioned, with support from the Luxembourg Cooperation, a number of the projects on display.
Bangladesh, which has been stigmatized in many respects as a peripheral region, has hardly been present on the global architectural map. However, this is likely to change in the near future. One reason for this is the architecture of Kashef Chowdhury / URBANA.
At first glance, Kashef Chowdhury’s buildings – such as his storm-proof school or island-shaped village on the Brahmaputra River – seem to have emerged directly from the local context of Bangladesh, which is one of the most densely populated regions on earth and dominated by extreme tropical climate conditions. At second glance, his architecture spans space and time from east to west, from the past to the present, and has universal appeal thanks to its masterful treatment of light, space and materiality. URBANA’s works are not only spatially and architecturally extraordinary in their immediacy; they also bear witness to the high social relevance of an architecture that thoughtfully and inventively addresses urgent issues such as population density, climate change, migration, and the reactivation of rural potential. Through local action, carefully developed from the history and geography of the world’s largest delta region, URBANA’s work acquires a global significance that moves us closer to many themes, which where once thought to be faraway.
Strategies for Bangladesh: local action, global relevance
It is precisely because Bangladesh’s urban centers, such as Dhaka or Chittagong, are rapidly expanding under the pressures of rural exodus, that Kashef Chowdhury’s works are not only for the growing urban middle or upper classes. One of the architect’s main priorities is finding new strategies that offer the rural population, which still accounts for 75% of Bangladesh’s 165 million inhabitants, a sense of security and identity in their traditional habitat. The architect, who has designed training centers, hospitals, and settlements in remote areas, is keenly aware that only serious improvement of rural living conditions can halt the seemingly unstoppable flow of rural emigration, and with it, the collapse of urban regions.
Bangladesh’s river delta landscape is an area prone to flooding, cyclones, and rising sea levels, where not only hydrologically, everything seems to be in flux. In this context URBANA’s buildings reveal an unexpected and uncompromising permanence based on clear geometries, local materials, and vernacular building methods. These are often variations on the bungalow typology, a form that has been tried and tested in tropical climates, made with bricks produced locally from the loamy soil, which serve as the basic modules of a predominantly handcrafted architecture. The carefully proportioned, atmospherically illuminated rooms succeed in balancing maximum functionality and robustness with sensuality and grace. Architecture thus becomes an important basis for providing contemporary and dignified living spaces to a segment of the population living on the fringes of society.
Kashef Chowdhury’s work with earth as a material always entails a dialogue with the landscape as well as the omnipresent element water of the delta, that is a blessing and curse alike. Be it for the Friendship Centre in Gaibandha, Friendship Hospital Shyamnagar, or the raised settlements in the erosion-prone areas of the Bramaputra River, plinths, canals or embankments, as the case may be, not only enable the buildings to stand out in their surroundings, but also protect them from the threat of flooding. Monsoon rainwater is collected in large basins and used for natural cooling, agriculture or fish-farming.
Working for society: pragmatic poetry
A new project demonstrating Kashef Chowdhury’s skill in tapping the potential of relevant architecture is his bamboo school in the Rohingya refugee camp of Ukhia along the border to Myanmar. Here, too, despite a minimal budget and the most precarious circumstances, the architecture draws out the sensual richness of space, giving the small school building an unmistakable identity in the midst of desolate emergency shelters.
The extent to which pragmatism and poetry can go hand in hand, and the strong symbolism they can bring forth, can also be seen in another multifunctional building. Located on the southern coast of Bangladesh, a region repeatedly hit by cyclones, a cyclone shelter – by the way funded primarily by professionals from the Luxembourg construction sector – protecting the community during the annual storm season, serves in addition as a school and a health center. As if the architects wanted to beat the storm with its own weapons, the multifunctional rooms are enclosed by a spiral-shaped access ramp. Its polygonal form reduces the impact of strong winds while protecting the interior spaces from swirling debris. Under Bangladesh’s normal weather conditions, it serves as a shade, protecting the naturally ventilated rooms from excessive sunlight.
The exhibition: a tropical Wunderkammer
The comprehensive exhibition on URBANA’s work documents more than a dozen buildings and projects by means of models, photographs, film footage, and plans, and provides a kaleidoscopic view of the studio’s design and construction processes. Featured projects include among others the Friendship Hospital Shyamnagar, the Friendship Centre in Gaibandha, settlements in the erosion zone of the Bramaputra River, the seven-floor Gulshan Mosque, the Kuakata Cyclone Shelter on the Bay of Bengal and the school in the Rohingya refugee camp. Furthermore, the URBANA team will open its studio to the public, providing an opportunity to explore a ‘Wunderkammer’ in a contemplative 1:1 situation. Visitors are invited to immerse themselves in a sensually choreographed journey through the rich cultural region and vast expanse of the Ganges delta, shimmering in tropical light.
On the occasion of this exhibition, a series of photos by world-renowned architectural photographer Hélène Binet of the Friendship Centre of Gaibandha, made in the context of the edition of a monograph on this project (Park Books 2016 – ISBN 978-3-03860-021-3) and graciously donated by Hélène Binet on the occasion of a prior exhibition at luca and Galerie Clairefontaine in 2014 will be on sale for the common benefit of luca and Friendship Luxembourg asbl.
Practical information
28-06-2022, 18h30 — Opening of the exhibition in the presence of Runa Khan, Niklaus Graber (curator) and the LUCA team.
08-09-2022, 19h00 — Lecture by Alia Bengana
04-10-2022, 19h00 — Talk: Materials for a better architecture
11-10-2022, 19h00 — Closing of the exhibition and lecture by Kashef Chowdhury
More information: www.luca.lu